Accueil > Avril / Mai 2016 / N°35

Le président de la Métropole Christophe Ferrari veut-il couler Le Postillon ?

Enfin un procès !

Dernière minute : nous venons de l’apprendre, le rendu du délibéré est repoussé au lundi 26 septembre !
Après un vernissage judiciaire très mondain, le procès a eu lieu ce mercredi 29 juin. La décision a été mise en délibéré au lundi 12 septembre.
En bon journal papier, on réserve la primeur de notre compte-rendu pour notre numéro de rentrée, qui ne sortira pas avant le 21 septembre.
En attendant, vous pouvez en profiter pour lire d’autres sources d’informations locales :
https://haro-grenoble.info/spip.php?article89

http://france3-regions.francetvinfo.fr/alpes/isere/grenoble/traite-de-tyran-christophe-ferrari-president-de-la-metro-de-grenoble-attaque-en-justice-le-journal-satirique-le-postillon-1037975.html

http://www.placegrenet.fr/2016/06/30/vernissage-judiciaire-premier-proces-diffamation-postillon/95959

http://www.petit-bulletin.fr/grenoble/infos-article-54983-Quand+Le+Petit+Bulletin+rencontre+son+meilleur+ennemi+Le+Postillon+!.html

https://haro-grenoble.info/spip.php?article76
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C’est avec une émotion non dissimulée que toute l’équipe du Postillon a la joie de vous faire part de l’arrivée de son premier procès. Il a deux petits noms « Injure » et « Diffamation », et la paternité est à aller rechercher du côté de Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix et président de la Métropole de Grenoble, et de sa directrice de cabinet Yveline Denat.

Un premier procès est une étape très importante dans le développement d’un petit journal local indépendant. Chacun sait que cela permet de faire un maximum de publicité, d’augmenter les ventes et de prouver son utilité. Cependant, la recherche du procès est un art très délicat : il ne faut pas se faire poursuivre par une personne insignifiante (un procès contre un responsable d’union de quartier ou un obscur conseiller municipal est ainsi à éviter), ni pour des attaques trop bêtes (se faire poursuivre pour avoir écrit « le maire est une sous-merde crapuleuse crypto-fasciste » est également à proscrire). Cela fait six ans et demi que Le Postillon cherchait à tâtons un procès intéressant : ce procès contre le président de la Métropole est donc une consécration.

D’autant que ce monsieur veut profiter de l’occasion pour mettre en danger notre petite structure. Agacés par l’article « Le système Ferrari à plein régime » que nous lui avons consacré dans le numéro 33, Christophe Ferrari et sa directrice de cabinet Yveline Denat ne poursuivent pas Le Postillon dans le seul but de laver leur honneur. Ils demandent également qu’on débourse au moins 21 000 euros en guise de réparation. Sachant qu’on tire 4 000 exemplaires tous les deux mois et qu’on les vend deux euros, chacun se rendra compte de ce que signifie cette somme.

Bref, ils aimeraient se débarrasser du seul journal papier indépendant, sans publicité ni actionnaires, de l’agglomération. Pourtant, Ferrari affirme qu’il considère la « liberté de la presse comme un bien précieux ». En demandant à notre journal une telle somme, il montre pourtant que pour lui la presse critique, si elle veut continuer à exister, doit avoir beaucoup de « biens précieux ». Il aurait pu simplement demander la publication d’un droit de réponse, ou faire un procès en réclamant juste la ublication du jugement ou le remboursement des frais de justice. Non : il désire également vider notre compte en banque et nous pousser au dépôt de bilan. Une telle volonté belliqueuse d’un puissant pour faire disparaître un petit journal a toutes les chances de se transformer en risée publique. Avons-nous réussi à dégoter le procès idéal ? Que nous reproche-t-on ? Dans cet article, le président de la métropole s’est senti injurié par ces passages : « le système Ferrari à plein régime », « ‘‘Philippe Serre est comme Christophe Ferrari, ils n’ont aucune conviction’’, ironise-t-il. ‘‘Ce sont des cyniques’’ », « mégalo », « obsédé par le rayonnement de sa ville ». Sa directrice de cabinet s’est sentie injuriée par deux passages : « Surnommée ‘‘Cruella’’ par certains employés, celle-ci a en effet réussi l’exploit de concentrer quasiment tous les griefs des différents services » ; « ‘‘Denat, c’est une folle, une perverse, elle a un vrai problème psy, je pense. […] C’est une femme hyper sournoise, qui ne sait pas déléguer et veut tout contrôler.’’ »

Pour les deux, des paragraphes entiers, décrivant leurs méthodes de travail, sont également jugés diffamants. Madame Denat se dit « très profondément blessée par les attaques infondées et violentes du Postillon », à tel point qu’elle a « été placée en arrêt maladie » entre le 24 décembre et le 8 mars pour « dépression choc traumatique ». Elle a l’air effectivement d’avoir traversé une mauvaise période : le 23 janvier dernier, on pouvait l’apercevoir en photo dans Le Daubé à l’occasion d’une réunion du parti socialiste pontois. Militer au parti socialiste en ce moment est un signe indiscutable de dépression : toutes nos excuses pour l’avoir plongée dans cet abîme.

Dans notre article du Postillon n°33, nous n’avons fait que retranscrire de véritables témoignages documentant la souffrance au travail à la mairie de Pont-de-Claix. Un malaise bien réel, attesté par les nombreux entretiens menés avec d’anciens et actuels agents municipaux, qui nous ont servi de matériau pour cette enquête. Les mots incriminés sont quasiment tous issus de citations d’employés municipaux, mais pour Ferrari et Denat, il s’agit de « prétendus témoignages anonymes invérifiables et non vérifiés ». Si ces témoignages sont anonymes, c’est parce que nos sources, appartenant à la fonction publique, risquent des sanctions en dévoilant leur véritable identité. C’est le fameux « devoir de réserve », qui empêche tant de salariés d’exprimer leur mal-être au travail.

Nous sommes pour l’instant convoqués le 13 mai prochain à 13h30 à une « audience de consignation » (où les plaignants doivent bloquer une certaine somme d’argent pour couvrir les frais de la procédure, au cas où celle-ci serait injustifiée). A l’issue de cette audience, nous aurons la date du procès qui ne devrait pas tomber avant la mi-juin, voire juillet ou septembre.

Par ailleurs, nous avons également reçu par recommandé et par huissier (un jour avant de recevoir les « citations à comparaître », uniquement par huissier) un droit de réponse de la part de Monsieur Ferrari, toujours à la suite du même article. Comme nous l’avons toujours fait, nous le passons intégralement ci-après.
Nous reconnaissons une seule erreur, concernant le salaire de Ferrari en tant que maire. Dans notre article nous écrivions qu’il avait été augmenté depuis 2014, alors qu’en réalité, comme le précise Ferrari, il a été diminué. Nous nous excusons donc platement pour cette bourde manifeste : ce n’est pas le maire qui a été augmenté, mais son premier adjoint (de plusieurs centaines d’euros). L’auteur de l’article a fait une mauvaise lecture de tableaux issus de délibérations municipales. Pour la peine, son prochain salaire sera également diminué...

En ce qui concerne le reste de l’article, nous ferons tout pour prouver devant le tribunal le sérieux de notre travail, notre déontologie journalistique, et notre bonne foi.

Ferrari veut-il influencer la justice (à propos d’un projet urbain) ?

À Saint-Martin-d’Hères, une enquête publique a eu lieu cet automne à propos d’un projet immobilier : dans le quartier Voltaire, la Métropole prévoit de construire 68 logements, dont 34 sociaux.

Le commissaire-enquêteur a rendu un avis défavorable à ce dossier en indiquant, comme c’est son devoir, certains avis des personnes ayant participé à l’enquête. Il a également donné son avis personnel, en affirmant qu’il n’approuvait pas la construction de nouveaux logements sociaux dans un quartier qui en compte déjà 75 %.

Cet avis n’a pas plu au président de la Métropole et l’a même bien fâché. Le 8 janvier 2016, Il a écrit à la présidente du tribunal administratif pour se plaindre de ce rapport en regrettant « la nature dépréciative, déplacée, voire inappropriée de certains termes utilisés à l’encontre des élus de Saint-Martin-d’Hères et de la Métropole ». Il juge par exemple « inacceptable la phrase qui qualifie ‘‘ceux d’en bas qui souffrent’’ et ‘‘ceux d’en haut qui pourtant veulent leur bien’’ » et alarme contre « la portée politique que peuvent avoir certains termes utilisés ». L’urbanisme n’aurait-il rien à avoir avec la politique ? En dehors de ces « expressions inconvenantes », il se plaint aussi de « conclusions portant atteinte à l’économie générale du projet ».

Par ce courrier, Ferrari veut-il chercher à manipuler la justice ? Pas du tout ! De la même façon qu’il attaque Le Postillon tout en étant « Charlie » et en défendant la liberté de la presse, il se plaint au juge « sans aucunement remettre en question l’indépendance des avis portés par les commissairesenquêteurs ». Il aimerait simplement les « sensibiliser à la portée rédactionnelle de leurs rapports qui doivent porter sur le projet sans porter de jugement sur le maître d’ouvrage ni préjuger sur d’autres projets pouvant intervenir dans le futur ». Et s’ils pouvaient faire un petit effort pour rendre des avis positifs aux projets qu’il porte, ce serait encore mieux...

Cette lettre n’a pas plus à Asra Wassfi, conseillère municipale centriste à Saint-Martin-d’Hères, qui a écrit à Ferrari le 31 mars dernier. Extrait : « Ce courrier ne peut être compris que comme un acte d’ingérence vis-à-vis de la Justice. Les enquêtes publiques permettent de protéger parfois les individus contre les projets qui peuvent s’avérer abusifs de la part de ‘‘ceux d’en haut qui pourtant veulent leur bien’’. Alors que la lecture de ce rapport conforte la vision des citoyens ordinaires vis-à-vis de la mauvaise politique, celle qui écoeure ‘‘ceux d’en bas qui souffrent’’. Votre courrier invite-t-il à faire des rapports d’enquête complaisants ? » Encore une qui n’a rien compris aux positionnements politiques subtils de Ferrari.

Droit de réponse

Pont-de-Claix, le 3 mars 2016

Le Postillon, dans son numéro n°33 Hiver 2015-2016 paru en décembre dernier, a consacré un article sur la ville de Pont-de-Claix, intitulé « La vérité sur le président de la Métro », complété dans son numéro 34 de février - mars 2016 par un deuxième article intitulé « Ferrari veut envoyer Le Postillon au tribunal », articles auxquels je souhaite apporter le droit de réponse suivant :

Comme la majorité de nos concitoyens, je considère la liberté de la presse comme un bien précieux, un élément fondamental de la vie démocratique et un pilier de la République. J’ai toujours affirmé et défendu ce droit, il est la condition d’un débat d’idées riche et éclairé, et permet aux citoyens de se forger une opinion sur ce qui relève des affaires de la cité.
La liberté de caricaturer est également un droit, qui doit être préservé et défendu, les attentats de janvier 2015 ayant visé Charlie Hebdo nous l’ont rappelé de manière dramatique.

Pour autant, défendre la liberté de la presse ne veut pas dire non plus accepter qu’elle s’exerce hors de tout cadre. La règle du jeu, en démocratie, c’est la loi, et elle doit donc être respectée. Celle-ci prévoit un certain nombre de mesures, comme l’exercice d’un droit de réponse lors d’une mise en cause directe, et renvoie au juge la capacité de déterminer ce qui relève de la satire et ce qui relèverait de l’injure ou de la diffamation et serait constitutif d’un délit.
C’est pourquoi il me semble important, dans un premier temps, de rétablir un certain nombre de faits, pour que chacun se fasse une opinion. J’envisage également de saisir la justice, qui statuera sur le caractère injurieux et diffamatoire des propos tenus dans les articles du Postillon précités.

Quelques éléments de réponse, afin de rétablir la vérité sur des sujets abordés dans les deux articles concernés :

Concernant le fonctionnement de la ville de Pont-de-Claix, et la réorganisation de son administration, suite aux élections de mars 2008 qui a vu l’installation d’une nouvelle équipe municipale que je conduisais, vous évoquez, sous couvert de témoignages anonymes d’agents de la ville, une « chasse aux sorcières » et l’organisation d’une stratégie machiavélique visant à écarter des cadres de la mairie que j’aurais considéré comme trop proches de l’ancienne municipalité.

Rien n’est plus faux.Il n’est pas rare, et il n’est pas interdit qu’une équipe municipale, nouvellement élue, ait quelques idées sur la manière d’organiser les services pour mettre en œuvre la politique pour laquelle elle a été élue. Que la mobilisation des services, leur articulation et les champs d’action qui leur sont dévolus par cette nouvelle direction municipale se traduise par des changements d’organisation me paraît peu contestable, pour autant que cela se fasse dans le respect des femmes et des hommes et des lois qui régissent le fonctionnement de la fonction publique territoriale.

Nous ne sommes pas sortis de ce cadre légal, et nous avons pris grand soin de respecter les femmes et les hommes qui ont vu leur organisation de travail évoluer, progressivement, jusqu’à une organisation autour de trois pôles qui correspondent aux priorités d’action qui sont celles de l’équipe municipale.
Ce qui a été mis en place depuis 2008 permet ainsi aux agents de la ville de Pont-de-Claix d’évoluer au sein de l’administration, soit parce qu’ils auraient atteint dans leur carrière un avancement de grade, soit suite à la réussite de concours internes et d’examens professionnels ceci conformément aux textes de loi régissant le droit de la fonction publique territoriale.
Nous avons également engagé un plan de lutte contre la précarité de l’emploi au sein des services municipaux, en direction des agents contractuels et/ou qui n’étaient pas à temps plein.
Ainsi, entre 2008 et 2015, le nombre d’agents à temps non complet est passé de 102 à 50, sur des effectifs de près de 500 agents, leur assurant la stabilité de l’emploi.

Afin d’illustrer vos propos sur l’ambiance qui règnerait au sein des services municipaux, vous pointez un taux d’absentéisme qui serait très élevé. Si l’on peut évidemment déplorer l’absentéisme des agents, qui traduit d’abord une situation difficile (maladie, accident) pour ceux qui en sont victimes, le taux moyen d’absentéisme constaté est passé de 11 % en 2012 à 8,3 % en 2015, soit en dessous des taux moyens des communes de même strate (9 %). Bien entendu, nous ne nous en contentons pas et avons engagé une politique de ressources humaines de réduction des risques au travail, et de lutte contre l’absentéisme.

Vous mettez également en cause la légalité du recrutement de deux collaborateurs de cabinet, faisant référence à la loi du 26 janvier 1984 et au décret du 16 décembre 1987 relatifs aux emplois de collaborateurs de cabinet. Ce décret prévoit bien que la ville de Pont-de-Claix et son CCAS puissent recruter chacun un membre de cabinet.

Ainsi concernant les postes de collaborateurs de cabinet, comme tout autre poste à la ville de Pont-de-Claix et au CCAS de Pont-de-Claix, la loi est appliquée et respectée.

Dans l’édition du Postillon de décembre 2015, il est fait mention du témoignage d’un certain « Benjamin » (un pseudonyme) qui affirme que, depuis les élections municipales de 2014, l’indemnité du maire a été majorée d’environ 370 euros bruts en un peu plus d’un an. C’est évidemment faux, celle-ci a été diminuée de plus de 380 € par mois.
Suite aux élections de mars 2014, le conseil municipal a voté :
Une première délibération concernant les indemnités des élus, le 17 avril 2014, qui prévoit de porter l’indemnité du maire à 55,60 % du taux maximal de l’indemnité au lieu des 90 % auquel le maire a droit pour une commune telle que Pont-de-Claix, soit une indemnité de 1902 euros bruts.
Une seconde délibération (votée à l’unanimité) le 24 septembre 2015, qui porte l’indemnité du maire à 39,95 % du taux maximal de l’indemnité.
Cela veut tout simplement dire que l’indemnité du maire de Pont-de-Claix est passée de 1902 euros bruts à 1514,89 euros bruts, soit une baisse de 387,11 euros.

Ce choix de limiter le montant des indemnités que je perçois au titre de maire vise à permettre la répartition de l’enveloppe indemnitaire entre l’ensemble des élus siégeant au conseil municipal, qu’il s’agisse des élus de la majorité ou des présidents des groupes politiques de l’opposition.

Sur la base de cette mise au point, il semble que les accusations qui sont portées à mon encontre sont pour le moins éloignées de la réalité, et relèvent d’une interprétation qui fait peu de cas des faits, auxquels il revient de s’attacher si l’on souhaite rester dans le cadre de l’information.

Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix