Le grand débat sur petit plateau
Affaires Longo : la rédaction se déchire
Jeannie Longo est à Grenoble ce qu’est la statue de Liberté à New York, le Machu Picchu au Pérou, les pyramides de Khéops à l’Égypte, le mont Ventoux au Vaucluse et les ravioles au Royans. La sportive préférée des Français (sondage L’Équipe Mag de cet été) pédale toujours du haut de ses 52 ans, ses plus de 1150 victoires et ses 38 records du monde. Combative, endurante, inépuisable, Jeannie était prête à prendre sa retraite à 67 ans comme le suggérait Fillon. Las, les révélations de la presse sportive de ces dernières semaines semblent l’avoir plombée. Longo manque à trois reprises de se plier à ses obligations de localisation, dans le cadre de la lutte antidopage, en l’espace d’un an et demi. Quelques jours plus tard, c’est son mari et entraîneur, Patrice Ciprelli, qui se retrouve dans le collimateur médiatique : il se serait procuré, en 2007, 80 000 doses d’EPO. Longo, dans la tourmente, c’est tout le gratin noyé dans son Dauphiné.
Deux services du Postillon ont débattu, des heures durant, sur le cas Longo en conférence de rédaction. N’ayant pas réussi à aboutir à un consensus, nous publions ces deux points de vue diamétralement opposés.
**« Une artiste, une artisane, une amie de la nature, voilà ce que cache Jeannie derrière son flamboyant maillot tricolore »
Quel sportif vivant peut aujourd’hui se targuer d’avoir des gymnases à son nom ? Jeannie Longo ! Celle que l’on peut aussi effleurer, voire toucher aux marchés de l’Estacade et à Meylan. Jeannie n’est pas qu’une simple sportive adulée, elle sait aussi s’engager et lutter contre les nouvelles technologies. Elle qui refuse ordinateurs et portables mouchards. Écoutons cette critique acerbe et lucide de la société totalitaire : « Nous sommes dans une société Big Brother ! Je suis une hors-la-loi ! » disait-elle à propos de ces technologies. PMO et comparses n’ont qu’à bien se tenir.
Si Jeannie n’avait pas été cycliste, savez-vous quel métier elle aurait exercé ? Adjointe aux sports à la municipalité grenobloise ? Porteuse de valises d’EPO ? Commentatrice sportive ? Vendeuse au rayon cuissards de Décathlon ? Et bien non ! « Pianiste, boulanger (au four à bois), naturaliste ou garde forestier » confie t-elle au blog Velloféminin. Une artiste, une artisane, une amie de la nature, voilà ce que cache Jeannie derrière son flamboyant maillot tricolore. Jeannie mène une vie simple et saine loin du Mark XIII et des allées de Carrefour : « D’abord, je ne sors jamais le soir. Je n’utilise pas de détergents. Pour la vaisselle et la lessive, j’utilise des produits à base d’huiles essentielles. Si une poêle n’est pas trop grasse par exemple, je la lave à l’eau chaude ».
Des doses d’EPO lui auraient été destinées, hurlent les médias qui mentent en choeur ? Comment une sportive de son calibre, jamais contrôlée positive (sauf en 1987 « pour un taux anodin d’éphédrine »), pourrait-elle être tentée par des produits dopants dépassés (mieux vaut une bonne transfusion sanguine) ? N’oublions pas que Jeannie a une âme d’altermondialiste quand elle évoque la société dans laquelle elle vit. « J’y suis très mal à l’aise, en raison du manque d’instinct de notre société, l’argent et les tromperies... Dans notre société il y a trop de normes et de nivellement (par le bas !). Les décisions ne sont plus prises avec le cœur ». Jeannie, elle, a du cœur et surtout des jambes, des vraies, pas de celles piquées aux hormones.
Le service roue libre du Postillon
**« S’il y a quelque chose d’englué à Grenoble, c’est bien l’esprit de Longo »
S’il ne fallait choisir qu’une tare parmi les nombreuses que possède Jeannie Longo, ce serait sans doute celle-là : continuer à faire du sport professionnel à 52 ans alors qu’on aimerait croire que ce genre d’enfantillage pourri par la dope, la triche et la thune est réservé à des post-adolescents de moins de 30 ans formatés par le culte de la compétition et la tyrannie de la performance. Avoir passé plus de trente ans de sa vie à zigzaguer sur toute la planète pour aller chercher un podium ou un chrono, voilà une performance bien déprimante. Quoi qu’on admette facilement qu’appuyer sur des pédales est la chose que Longo fait de mieux : à chaque fois qu’elle ouvre la bouche, c’est pour articuler péniblement des inepties. Sa dernière interview dans L’Équipe Mag, où elle adresse des louanges à Carignon – pour qui elle a été adjointe aux sports – n’a pas échappé à la règle : « Carignon était très écolo ! Un novateur. Si on l’avait laissé faire, Grenoble serait une ville verte, il n’y aurait pas de bouchons. On circulerait dans les deux sens sous la Bastille, en souterrain, et le cours Jean Jaurès serait enterré, avec un péage. On roulerait, au lieu d’être englués ». S’il y a quelque chose d’englué à Grenoble, c’est bien l’esprit de Longo pour penser qu’un tunnel sous une montagne ou l’enterrement d’un boulevard (il s’agissait en fait, dans les projets de Carignon, du boulevard Agutte Sembat) puissent être « écolos ». À sa décharge, notons qu’elle voue à l’ancien maire corrompu une admiration quasi-christique, sans doute entretenue par une incompréhension manifeste de ce qu’il y a de mal dans le détournement d’argent public. « Ce qui est arrivé à Carignon m’a dégoûtée et m’a fait peur », pleurniche-t-elle à L’Équipe Mag pour justifier ses hésitations à s’engager en politique. Est-ce cette même incompréhension qui lui a fait prendre de l’EPO, croyant avoir affaire à une huile essentielle bio ? Nous nous permettons de le supposer et espérons en tout cas que cette affaire la laissera définitivement cloîtrée dans sa maison de Saint-Martin-le-Vinoux.
La cellule politique du Postillon